Zen et nous

Le zen, sa pratique, ses textes, la méditation, le bouddhisme, zazen, mu

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    Shikantaza dans le Sôtô zen (par Jacques Brosse)

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    Message par lausm Jeu 22 Sep 2016 - 15:14

    tangolinos a écrit:......
    Ce que j’en pense, c’est qu’il faut avoir gouté aux deux extrêmes, ‘’montagne/pas montagne’’ pour retrouver la voie du milieu.

    Un peu comme s’il fallait grimper la montagne pour se débarrasser de notre croyance en notre savoir…et quelque part, la montagne une fois gravie, on se retrouve aussi ignorant que le jour de notre naissance…c’est alors que la montagne redevient vraiment une montagne.

    Ceci dit, il n’est pas interdit de penser comme le pense un cycliste que je connais, amateur de cols extrêmes, et qui me dit préférer la montée que la descente.
    Il y a bien une ivresse qui apparait avec l’ effort.


    Oui, et il me semble que certains finissent par continuer à faire des efforts pour l'ivresse, et n'ont rien vu du paysage, et même ont passé le col et en remontent un autre, et parfois même ont fait demi-tour pour le remonter à l'envers, sans jouir une seule seconde de la beauté de l'endroit où ils sont.

    J'ai connu un cycliste, quand j'ai travaillé en Suisse, amateur de côtes et de montagnes, d'efforts sans réconfort, qui s'est fait un infarctus à 39 ans.

    Je crois qu'avec le temps, et aussi le zen, j'ai appris à aimer l'ivresse qui apparaît avec le non-effort!
    C'est pour ça que je préfère la marche au vélo.
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    Message par Kaïkan Jeu 22 Sep 2016 - 18:06


    Oui l'ivresse qu'on recherche c'est comme une drogue. Il faut veiller à ce que la spiritualité ne devienne pas une drogue car après on recherche des états spéciaux , ou bien on s'attache à des états particuliers qu'on a éprouvé dans le passé.
    Le bouddhisme c'est pas un sport. Quoi que, pour certains peut-être ?
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    Message par zanshin Jeu 22 Sep 2016 - 18:12

    Ce qui me fait peur c'est l'excès dans certaines religions.
    Mais il ne faut pas croire que le bouddhisme est à l'abri à cause de la voie du milieu.
    Il y a aussi des dérives. Tout un forum est consacré aux dérives dans le zen sur Zen et nous.
    Je l'ai lu entièrement et ça fait peur aussi. Shocked
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    Message par Kaïkan Jeu 22 Sep 2016 - 22:29

    Fred a écrit:Il faut comprendre lorsque je dis :

    La réalité n'échappe qu'à celui qui tente de la saisir. Pour qui ne cherche pas à la saisir, il n'y a ni véritable forme de la réalité, ni personne à qui elle serait susceptible d’échapper.

    que je tente de viser -dans ce qui me semble être la ligne pédagogique bouddhiste-, la soif de parvenir à une saisie absolue et définitivement satisfaisante de la réalité. En effet, ce que je cherche à montrer, c'est que cette soif de parvenir à saisir la moelle de la réalité par le biais du mental porte en elle l'impossibilité de déboucher sur une fin satisfaisante, car l'aspect insaisissable de la réalité suit notre volonté de la saisir comme sa propre ombre. C’est pourquoi je pointe le fait que cette ombre disparaît au moment même où la volonté de saisie se dissipe. C’est une chose qui pour certaines personnes qui sont dans une forme de saisie quasi pathologique est difficile à réaliser si j’en crois ce que je considère de ma propre expérience passée concernant cette difficulté, ce qui m'oblige par ailleurs à admettre la nécessité de l'existence d'une doctrine curative telle que le bouddhisme.  

    Je suis tenté d'ajouter que l'impossibilité de saisir la réalité et de la définir par un concept mental nous donne la possibilité de suivre une autre approche qui est de vivre tout simplement cette réalité. C'est tout à fait à notre portée et c'est très simple. Il suffit d'abandonner les spéculations, de retrousser les manches et de faire un travail manuel quelconque comme de laver la vaisselle, ranger ses affaires, cultiver son jardin, faire de la peinture, jouer d'un instrument de musique, etc.
    Il y a mille occupations possibles permettant de vivre la réalité sans spéculer autour de l'impossibilité de la saisir conceptuellement.
    Le bouddhisme est justement une doctrine qui prescrit une méthode de retour à ce qui est le plus concret, le plus simple, le plus dépouillé de tout artifice.
    Dans le zen on pratique zazen mais on fait aussi kin-hin la marche en méditation. Puis on apprend à faire les travaux domestiques nécessaires au bon fonctionnement de la communauté et ce travail manuel est appelé samu.
    Finalement on apprend à être tout le temps en méditation. Cependant il faut toujours se ressourcer chaque jour avec la pratique de zazen qui est la plus profonde. C'est pour cela que les pratiquants gardent un esprit frais et sans attaches particulières à quoi que ce soit.
    Ce retour quotidien à zazen évite que l'esprit ne se "coagule" sur un aspect quelconque de cette fameuse réalité.    japonais
    Il me semble que c'est cette direction qu'indique le teisho du maître Jacques Brosse.
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    Message par Fred Ven 23 Sep 2016 - 10:39

    Il y'a un passage dans le Tao Te king qui fait écho à ce que tu dis je trouve :

    Ainsi, pour gouverner le peuple,
    Le sage vide les consciences mais emplit les ventres
    Affaiblit les volontés mais fortifie les os.

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    Message par tangolinos Ven 23 Sep 2016 - 10:54

    Salut Kaïkan
    j’ entends bien ta proposition de simplement vivre la réalité sans chercher à la saisir.
    Je dirais que suite à mon instant, cette attitude m’ est devenue évidente, tant c’est la réalité qui m’ a saisi.
    C’est pourquoi je me suis mis à bosser comme un âne sans plus me poser de questions existentielles….et puis un jour, après 20 ans d’activisme, je me suis à nouveau assis, et quelque part j’ ai ressenti qu’il était temps de poser des mots sur la chose même.

    mon cheminement pourrait sembler singulier, voir étranger au protocole zeniste, mais perso j’ y vois de curieuses ressemblances.
    Comme déjà évoqué, je reste persuadé que nous soyons tous sur le même chemin (en direction de l’ Absolu), et que chacun le pratique tant bien que mal (à sa façon, confronté à la dualité).

    Je dirais que même si la réalité nous est insaisissable, elle est néanmoins bien là…. et que quelque part en se laissant saisir par elle on participe à sa révélation.

    L ‘écriture est devenue pour moi une façon de faire kin-hin.
    En effet jadis il m’ arrivait souvent de dessiner, peindre, ou sculpter, pour laisser se manifester ce qu’il y a au plus profond de mon être, et l’ écriture me semblait un art bien plus périlleux…. et ma foi, aujourd’hui, je me régale à me laisser écrire ce qui sort comme ça sort, tant je me laisse surprendre par la teneur de mes propos.

    Il y a en effet, dans la pratique de tout art, une curieuse alchimie qui se produit entre le plus profond de notre être et le plus superficiel de notre manifestation….un peu comme si fond et forme ne faisait plus qu’UN…
    Et je pense que zazen n’ est pas si étranger que ça de l’ attitude de l’ artiste qui se laisse transcender par son propre insaisissable être.
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    Message par Zenoob Ven 23 Sep 2016 - 14:11

    Il me semble que ce n'est pas limité à l'art : c'est vrai d'absolument toutes nos expériences. Nous n'en avons malheureusement que trop rarement conscience...
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    Message par tangolinos Ven 23 Sep 2016 - 15:14

    @Zenoob
    effectivement on peut dire que dans tous les cas de figures c’est notre être qui se manifeste.
    Et, comme tu le dis il nous arrive rarement d’en être conscient.

    J’ ai choisi l’ évocation de l’ art, puisqu’il s’agit d’un lâcher prise de la conscience, qui permet à l’ être de se manifester, sans trop de déformation.
    Un peu comme si aux moments où on aurait l’impression de diriger l’ action on ne pouvait que déformer ce que voudrait dire l’ être.
    Il me semble que l’ art, montre bien par la créativité, combien la conscience est transcendée.

    J’ aime bien l’image du verre empli d’une eau boueuse, et qu’il s’agit de laisser se décanter la boue, pour que la lumière puisse nous traverser sans se déformer.

    Et effectivement si on parvenait à cesser de se préoccuper de valoriser l’ ego (qui en fait n’ a pas vraiment de consistance propre) on pourrait alors être un artiste en chaque geste de la vie. (La fameuse cérémonie du thé, me semble être à cette image là).
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    Message par Zenoob Ven 23 Sep 2016 - 17:29

    Mais on est un artiste de chaque geste de la vie ! Simplement on ne s'en rend pas compte...

    Je ne pense pas que la conscience doive être spécialement "transcendée" pour cela ; la conscience elle même fait partie de cette grande oeuvre d'art qu'est notre vie...
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    Message par tangolinos Ven 23 Sep 2016 - 19:24

    @Zenoob
    nous voilà partis pour un long débat…
    Ce qui distingue l’ artiste de l’ artisan, c’est que l’ artiste a le pouvoir créatif, et que l’ artisan ne l’ a pas.
    C’est pourquoi j’ insiste à dire que dans notre vie y'a plein de choses qu’on fait comme un artisan, c’est à dire à mimer et à re-mimer ce qu’on a appris.
    L’ attitude de l’ artiste n’ est pas de se complaire dans le connu, mais de s’abandonner dans l’ inconnu.

    Mais certes on peut constater que de nombreux artistes se sont laissés devenir des artisans en reproduisant toujours la même chose, ou presque.

    Je ne veux pas dire par là que je dénigre l’ artisan, tant on peut retrouver dans son travail des valeurs qui ne sont pas dénuées d’enseignement.

    Mais l’ attitude de l’ artiste correspond bien mieux à ce que je voudrais dire.

    En effet, j’ insiste à dire que la créativité ne peut surgir que de l’ abandon de l’ ego.
    Ce qui me semble vouloir dire que la conscience est transcendée.
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    Message par Fred Ven 23 Sep 2016 - 19:42

    Zenoob a écrit:Mais on est un artiste de chaque geste de la vie ! Simplement on ne s'en rend pas compte...


    Effectivement la conscience de son art enferme l’artiste.
    La Vie n’a pas conscience de son art.
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    Message par Kaïkan Ven 23 Sep 2016 - 19:46


    Personnellement je ne vois pas une différence entre un artiste et un artisan. Pour moi Jacques Brosse est un artiste du zen et il a voulu rester un artisan pour ne pas tomber dans l'industrialisation de cette pratique comme certaines associations que je ne citerais pas. J'ai connu beaucoup d'artisans et j'ai été très proche d'un potier de Strasbourg qui était moine zen. J'habitais chez lui et j'ai suivi ses angoisses à l'ouverture du four et tout son travail avec les joies et les mauvaises surprises quand une pièce fendait à la cuisson. Un artisan même s'il fait le même objet, un bol par exemple ou un archet de violon pour Yudo, ce ne sera jamais une répétition mais toujours une nouvelle création. Un instrument de musique, clarinette ou violon, ne sera jamais deux fois le même et le son qui en sortira sera à chaque fois différent.
    Pour moi un artisan est celui qui fait son travail avec passion en y mettant tout son cœur. C'est une démarche artistique.  Smile
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    Message par tangolinos Ven 23 Sep 2016 - 20:43

    le vocabulaire a bien été artiste en disant qu'il y avait 2 mots= ''artiste'' et ''artisan''
    faudrait pas oublier cette fulgurance.

    En effet si on confondait le sens de ces deux mots cela révèlerait bien notre incompréhension.

    Ceci dit, j' ai souvent rencontré d'humbles artisans sans prétention qui étaient capables de faire des choses artistiques, et j' ai aussi rencontré des artistes qui ne faisaient plus que de l' artisanat...comme quoi le titre ne correspond pas forcément à ce que sont devenus les diplômés.
    Le jour du diplôme est une chose, la pérennisation du titre en est une autre.
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    Message par Zenoob Sam 24 Sep 2016 - 14:38

    Si on prend l'histoire de ces deux mots, leurs sens ont effectivement été confondus pendant très longtemps. Ils ont d'ailleurs la même racine. Artisan et artiste désignent tous deux des personnes qui pratiquent un art. La distinction entre artiste et artisan est loin d'être aussi claire que semble le penser tangolinos, ou alors il faut préciser où il situe la différence exactement.

    Pour moi, tel que je l'entends dans cette discussion, la différence est le projet esthétique de l'artiste : la maîtrise d'un geste conduisant à la création de quelque chose de beau. L'artisan n'a peut être pas ce projet esthétique, mais en général, un artisan qui maîtrise son art va quand même produire quelque chose de beau, sans particulièrement le rechercher.

    Mais peu importe ; l'idée est dans les deux cas d'être complètement à ce qu'on fait, c'est alors que les gestes et ce qu'ils produisent deviennent beaux. On est à ce qu'on fait quand on ne pense pas à ce qu'on fait, mais qu'on le fait tout simplement. Et en fait, quand on y réfléchit, le fait de croire qu'on n'est pas à ce qu'on fait est une illusion. C'est simplement qu'on ne se rend pas VRAIMENT compte de ce qu'on fait. On croit faire à manger, mais on pense à autre chose. Inversement, on croit penser à quelque chose, mais on fait autre chose.

    Si on regarde ces séquences objectivement, on est absolument toujours en train de faire ce qu'on fait. On fait à manger, puis on pense, puis on refait à manger, puis on pense, etc. Il ne peut en être autrement. On est toujours dans la vérité la plus pure de ce qu'on fait. Mais on a sans cesse l'impression d'être tiraillé entre plusieurs choses... C'est une illusion, qui nous fait souffrir, qui disparaît quand on arrive à tout laisser se faire sans plus juger ni rien essayer de changer. Et ça, c'est pour moi la définition du geste artistique, qu'on croit être inaccessible alors qu'on est toujours dedans... C'est se laisser danser la danse de la vie, ahahha !
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    Message par tangolinos Sam 24 Sep 2016 - 16:20

    Bon c’est pas grave
    c’est pas la peine de polémiquer, si tu ne vois pas la différence entre un musicien ‘’artisan’’ super technique qui ne transmet aucune émotion, et un musicien ‘’artiste’’ qui même sans maitriser la technique arrive à faire entendre son coeur.
    Ecoute un peu des morceaux de Jazz, et tu verras que dans le même morceau, il y a des passages ‘’artisans’’ et des passages ‘’artistes’’…en effet, les partitions permettent à certains moments de faire des improvisations…notamment lorsque l’ orchestre s’efface pour laisser l’un ou l’ autre jouer en solo.
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    Message par Zenoob Sam 24 Sep 2016 - 18:20

    Ce critère d'émotion transmise ou pas ne tient pas vraiment, je trouve...

    Il y a bien des artisans qui travaillent avec leur coeur et qui transmettent des émotions dans leur travail. J'ai un copain menuisier, et je peux te dire qu'il fait ses escaliers avec amour et qu'il y met du sien.

    Et il y a aussi des artistes qui s'attachent à être les plus neutres possibles, à ne transmettre aucune émotion. Ou alors tu refuseras le statut d'artiste aux auteurs du Nouveau Roman, ou encore aux musiciens qui font de la musique sérielle, etc. C'est ton droit, mais l'histoire de l'art considère bien ces gens comme des artistes.

    Par contre, derrière le mot artiste, il y a toujours la maîtrise technique ou en tout cas la question du geste juste. Je te renvoie au dictionnaire, tout simplement (regarder d'ailleurs particulièrement la section étymologie, vraiment édifiante sur la proximité sémantique entre artisan et artiste) :

    http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?12;s=3827026485;r=1;nat=;sol=1;

    Mais on peut aussi choisir de définir les mots comme on veut ; seulement après, il ne faut pas s'étonner qu'on tombe dans la polémique...

    Dans tous les cas, peu importe la terminologie, l'important est peut être de vivre sa vie comme une oeuvre d'art, chaque geste, même inconscient ou apparemment insignifiant, participant à sa beauté ?
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    Message par Fred Sam 24 Sep 2016 - 18:38

    Moi je croyais que les artisants avaient comme spécificité de créer ou de reproduire des objets répondant à des besoins pratiques alors que les artistes en revanche n'avaient pas cette contrainte.
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    Message par tangolinos Sam 24 Sep 2016 - 18:51

    @Zenoob
    Bon on va pas continuer à se chamailler pour des mots…
    J’avais quelque chose à dire, et je n’ ai pas choisi les bons mots pour le dire.
    Entre ton ressenti et mon ressenti des mêmes mots, y'a trop de distinction.

    Mes définitions simplistes=
    L’ artisan est celui qui reproduit ce qu’il a appris.
    L’ artiste est celui qui a un pouvoir créatif et qui rajoute quelque chose de plus.

    Les définitions conventionnelles me semblent bien galvaudées, tant le personnage humble dira qu’il est un artisan, et tant le personnage prétentieux dira qu’il est artiste.

    Or l’ idée que je voulais évoquer, c’est que la créativité est un phénomène qui échappe à la compréhension, et même les psychiatres s’interrogent…. en effet, à une certaine période j’ ai fréquenté un groupe de psy, qui m ‘ont montré leur enthousiasme à voir les nouveaux machins que je faisais… nos longs partages, ont révélé que les psy étaient dénués de créativité, tant ils analysent trop précocement ce qu’ils pourraient créer.
    Mais bon, je trouvais néanmoins une extraordinaire créativité dans leur propos quand ils faisaient les cons…Hihi

    Comme quoi, quelque part c’est le choix (si choix il y a) de notre identification qui prédétermine la forme de nos actes.
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    Message par Kaïkan Sam 24 Sep 2016 - 20:45


    Bonsoir,

    Jacques Brosse, comme beaucoup de maîtres zen (et oui je l’appelle un maître zen) a beaucoup écrit sur sa pratique et sa compréhension du bouddhisme. Ses nombreux livres ont souvent suscité des vocations, je ne citerais qu’Yvon Bec devenu maître Myoken et qui s’occupe de la fondation Zeisler en Hongrie.
    L’écriture est un véhicule de la concentration et il permet d’approfondir un art très complexe : vocabulaire, syntaxe, grammaire, orthographe etc. mais en plus cette activité permet de s’approfondir soi-même. Le point commun de toute démarche en écriture est la créativité. Donner du sens à ses pensées, partager, aller courageusement vers les détails, exprimer des ressentis, utiliser et créer des expressions, tout cela demande une pratique régulière et c’est un long parcours que je souhaite à tous tant il est fructueux dans l’épanouissement de ce qui est le plus profond dans l’âme humaine.
    Par conséquent je ne ferais que d’encourager ceux qui persévèrent et n’hésitent pas à se remettre en cause, à polir et repolir sans cesse l’ouvrage de transmission qu’est leur propre écriture afin d’être sûr d’avoir la compréhension des lecteurs et la certitude de l’authenticité du partage.
    C’est un travail gratuit mais il apporte des mérites infinis à soi et aux autres.



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    Message par tangolinos Sam 24 Sep 2016 - 22:10

    @Kaïkan
    je partage tout à fait les idées que tu viens d ‘évoquer.
    Jadis je pensais que l’ art de l’ écriture n’ appartenait qu’ aux escrocs qui savaient jouer avec le paraitre.Hihi… tant il est facile de faire semblant de faire des fleurs…Hihi

    Je ne suis pas dupe, quand j’ écris, cela me permet de manifester ce qu’il y a au plus profond de moi-même, et quelque part je suis reconnaissant à tous ceux qui m’ obligent à encore mieux dévoiler ce que pourrait être le fond.

    Les mots, les mots ?…ce ne sont que des outils, des messagers…faudrait pas s’attendre à voir en les mots les intonations qui les ont créés.
    En effet, on peut dire à quelqu’un que c’est un con, et selon l’ intonation, il y aura ou rupture ou alliance.

    Pour aller plus loin, je dirais que mes résultats au Bac étaient 4,5/20 en français, et 2/20 en philo…Hihi
    Comme quoi, il me semble qu’il s’est passé quelque chose depuis…
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    Message par Yudo, maître zen Sam 24 Sep 2016 - 22:38

    Fred a écrit:Moi je croyais que les artisants avaient comme spécificité de créer ou de reproduire des objets répondant à des besoins pratiques alors que les artistes en revanche n'avaient pas cette contrainte.

    ON a plus ou moins créé le concept d'artiste à partir de la fin du XVIII° siècle. Mozart, par exemple, faisait de la "musique commerciale" n'en déplaise à ceux et celles que le concept insupporte. En effet, il était en libéral, et il ne gagnait que par la vente de ses oeuvres, de même que Telemann qui, lui, travaillait par correspondance! C'est surtout à partir de Beethoven que le concept d'artiste s'impose.

    Même le mot grec "technè" qui a donné le mot "technique" veut dire "art", ce qui implique faire un produit neuf à partir de matériau de base. Après s'y appliquent des considérations esthétiques qui, elles, sont très anciennes, mais il y a, avant l'invention de "l'artiste" une humilité d'artisan même chez ces artistes d'avant la Révolution française. D'ailleurs, dans les ateliers de peintres et de sculpteurs, il y a une division des tâches semblable à ce qui existait dans les ateliers de lutherie ou de menuiserie.

    Et puis, on arrive à l'après Duchamp, où l'"artiste" doit tout faire sauf ce qui est plaisant et agréable, et se perdre dans le conceptuel. Bof...
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    Message par tangolinos Dim 25 Sep 2016 - 10:21

    @Yudo

    voilà mon interprétation=

    oui on peut le dire= la révolution a coupé la tête du Roi, mais aussi toutes les habitudes artistiques qui consistaient à travailler assidument en atelier collectif pour apprendre le métier.
    Ce n’est qu’après la révolution que les artistes se sont retrouvés à valoriser leur ego pour se faire reconnaitre.
    Au sujet de la peinture, on peut dire que l’ apparition de la photographie a dévalorisé la prétention des artistes de reproduire la réalité, c’est alors que l’impressionnisme a surgit tel un reflex de survie., pour montrer quelque part que le peintre pouvait évoquer un aspect inaccessible au photographe.
    Et puis d’ego en ego, d’école en école, de marchand en marchand, se sont déclinées maintes formes spectaculaires, jusqu’ à ce que Duchamp vienne dénoncer l’ absurdité du bisness qu’était devenu le marché de l’ Art.
    Sacré personnage ce Duchamp, il est pour moi une idole, tant il a refusé de jouer le jeu de la célébrité, et tant son seul souci était de préserver sa sincérité, en rejetant toutes propositions commerciales.
    Oui la peinture n’ est plus la peinture, seul le concept prime.
    Même qu’aujourd’hui pour les peintres, il est tabou d’utiliser la peinture…. seul le concept est crédible !

    Ainsi les peintres conceptuels ne font que reproduire l ‘attitude de Duchamp.

    On peut dire que la peinture est morte.
    Le message a retenir, c’est que la forme s’est vidée, bien que l’ artiste continue à se valoriser.
    Quand donc viendra le temps, où les artistes après avoir vidé la forme, videront le fond ?
    Peut-être est-ce déjà fait, mais persiste toujours l’ avidité des marchands.
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    Message par Fred Dim 25 Sep 2016 - 10:40

    Dans une série, j’ai pu retrouver cette réplique : "Dit que c’est de l’art et cela en sera."
    Et quelque part ce n’est pas idiot car proposer une oeuvre dans cet état d’esprit cela me semble être une manière d’inviter le public à s’interroger sur l’objet exposé, et donc à éprouver cette interrogation dans tout ce qu’elle peut révéler au delà d’un regard qui sans cela s’avérerait routinier.
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    Message par Zenoob Dim 25 Sep 2016 - 10:51

    La question de la créativité me semble particulièrement pertinente sur un forum bouddhiste. Il me semble que c'est une notion qui est peu compatible avec la philosophie mahayana, puisqu'elle présuppose des entités séparées, un "je" qui "crée" quelque chose d'entièrement nouveau à partir d'autres choses... C'est en fait une vision assez judéo chrétienne de la "créativité", non ?

    On voit d'ailleurs actuellement beaucoup d'expérimentations artistiques allant dans le sens d'une dénonciation du statut de l'auteur et de la création artistique : certains romans paraissent, et leur "auteur" avoue, quelques mois plus tard, qu'aucune phrase n'est de lui. C'est à dire qu'il a piqué chaque phrase dans une oeuvre différente, aucune n'étant de lui. Quel est le statut de son roman ? A t il été "créatif" ou pas ? Est-ce qu'on peut fabriquer quelque chose à partir de rien ? Du coup, pareil, je trouve que c'est difficile de lier la notion d'art à celle de créativité : en art, comme dans tout, on s'appuie toujours sur de l'existant qui se transforme... comme absolument tout ce dont on peut faire l'expérience dans nos vies quotidiennes.

    Cela va dans le même sens que certaines récentes théories linguistiques, qui considèrent que nous ne sommes pas des sujets utilisant une langue qui leur serait extérieure, mais que nous sommes constitués de cette langue, que la langue, c'est nous, et que nous ne sommes que des incarnations ponctuelles d'une sorte de bain linguistique qui nous traverse absolument tous...

    Peut être que l'art, c'est justement ce qui doit réussir à nous montrer cela, l'oubli de soi incarné dans un beau geste ? C'est ce que fait la poésie, par exemple. Il me semble que ce que nous révèle zazen, entre autres, en nous permettant de nous étudier, c'est à dire de nous oublier ( Wink ), c'est que nous ne sommes rien d'autre qu'un vaste processus infini de changement et de transformation, de vraies oeuvres d'art !
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    Message par Fred Dim 25 Sep 2016 - 11:00

    Quant à ton auteur qui a piqué toutes ses phrases dans des livres différents et qui le dénonce en l'assumant, s'il a été le premier à le faire alors c'est un artiste Laughing

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