Pour ces trucs, un peu de linguistique pure n'est pas mal, ça permet de recadrer le discours sujet à toutes les dérives interprétatives.
Shiryo, c'est la pensée.
Dans le Fukanzazengi, manuel de la technique de zazen selon Dogen, il emploie le terme Fushiryo, qui signifie la non pensée.
Fu, est un préfixe de négation au sens de notre non conventionnel, une opposition à un terme positif.
Mu, en japonais, est une négation par l'absence, cela signifie "absence de". D'où le fait que ce terme soit si prisé dans le zen.
Mais Dogen, quand il parle de ce qu'on a traduit par penser du tréfonds de la non pensée, utilise alors en fait le terme de "Hishiryo".
Or, Hi, est un préfixe qui a plutôt, à ce que j'en ai appris par une japonaise directement, le sens de "au-delà de".
Donc en fait, il faut penser au-delà de la pensée. Ce qui à mon avis correspond plutôt à la réalité de l'expérience.
Ce qui me renvoie à cela que tu as écrit:
"Voilà pourquoi pour moi, je dois bien l'avouer, ce que tu décris à la fin reste un fantasme (et je me plante sûrement complètement, je n'en sais rien, c'est juste mon impression du moment) : je ne crois pas qu'on meure à nos conceptions du monde en pratiquant zazen, ou qu'on rentre dans le silence et qu'on effondre tout ce qu'on est pour laisser respirer nos cellules (je taquine) ; je le vis plutôt, justement, comme un moment où tout ce qu'on est et a été se condense, avec tout ce qui nous constitue, langage y compris, paradigmes réducteurs y compris, cellules, organes, etc., ce qui, paradoxalement, nous en libère. On se libère de soi en devenant "à fond" soi, en quelque sorte. Pour moi ce n'est pas "mourir à soi", c'est SE vivre complètement, ou un truc comme ça, je n'arrive pas à bien le dire ; il y a une idée poétique là dedans, utiliser ses entraves pour s'en libérer, comme la poésie utilise le langage pour s'en libérer, par exemple. Je crois qu'en fait on dit la même chose, mais vu que c'est un lieu où les oppositions s'abolissent un peu, mourir à soi, et vivre à soi, finalement, c'est un peu pareil.
Voilà pourquoi, et je ne sais pas si j'ai raison ou pas de faire ça, je n'essaie pas vraiment de résoudre ces frustrations posturales, en fait, ni de faire taire "la voix du juge" ; elles sont là, elles sont moi, et si elles m'énervent, c'est aussi, encore et toujours moi. Mais bordel, si je pouvais me tenir plus droit naturellement, ce serait le pied, ahahah !"
en fait peu importe ce que j'aie pu te dire et que ce soit vrai ou pas, ce qui compte est ce que tu fais avec ce bazar appelé "moi".
et je trouve que ce que tu en dis résume en fin de compte de façon très subtile et vrai, et aussi poétique, cette expérience incroyable et à la fois sans trace qu'est le fait de s'asseoir en silence.
Le redressement va venir, confiance en la pratique!!